|
"LA MÉTAMORPHOSE"

C'est une histoire d'amour ! Oh ! Toute simple !
Peut-être est-ce la vôtre d'ailleurs...
Au bord d'un ruisseau, une libellule volète au-dessus de l'eau, parmi les roseaux, dans le ciel bleu du printemps.
Et soudain, elle fait la rencontre de sa vie !
Il est là, dans le ciel, voletant comme elle, et, dans l'instant, ils se sont reconnus ! Brusquement, lui s'immobilise dans l'air et fond sur elle. Il vole au-dessus, la saisit dans ses pattes, la prend par la taille. Leurs abdomens filiformes et diaphanes se recourbent lentement et s'unissent, formant dans le ciel bleu un seul corps en forme de cur suspendu à quatre paires d'ailes vrombissantes...
Et ce cœur vole, de-ci, de-là...
Tous les amoureux ont regardé, émus, le vol des libellules accouplées, et ce cœur rouge qui tourbillonne dans l'air !
Mais, alourdi par l'amour, le couple est comme attiré par la surface de l'eau dans laquelle le soleil printanier se reflète. Il est comme aimanté par ce miroir. La chute semble inévitable, mais lui ne veut pas, ne peut pas lâcher sa compagne...
Fatiguée, elle se pose sur la tige d'un roseau, et là, attirée inexorablement, elle descend à reculons, lentement, très lentement, centimètre par centimètre. Lui pourrait la laisser, mais non, il ira jusqu'au bout de son amour, dans ce royaume glauque, sous l'eau où elle descend inexorablement. Et les voilà totalement immergés..
Alors, elle laisse sortir, dans un dernier spasme, ses œufs un à un, puis ils meurent enlacés, noyés dans cette eau froide ou la lumière semble absente, où tout est entraîné par un lourd courant si différent du souffle printanier du vent...
Il meurt par amour ; elle meurt pour donner la vie !
Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Peut-être est-ce seulement maintenant que la vôtre commence...
De ces œufs naissent de petites larves affreuses et laides, avec une énorme mâchoire. Et voilà que ces monstres dévorent tout ce qui passe à leur portée. Elles happent tout ce qu'elles peuvent, du moins celles qui ne sont pas dévorées par plus fort qu'elles !
Et elles vivent ainsi, loin du véritable soleil, sans rien connaître du ciel bleu ni de l'air vivifiant, dans cette eau lourde et opaque, au milieu de toutes les herbes qui ondulent au gré du courant.
Portant chaque larve porte en elle comme une nostalgie d'autre chose, mais elle ne sait quoi..., comme un souvenir confus d'un autre monde où le soleil est si chaud et l'air si pur !
Les jours, les semaines, les mois s'écoulent ainsi sans espoir pour la larve, à dévorer tout ce qui passe à sa portée. Mais voilà que cette nostalgie se fait plus pressante, plus forte, plus tenace, et un jour, elle ne sait pourquoi, voilà qu'elle s'accroche à la tige d'un roseau, le même peut-être que celui qui a vu ses parents enlacés mourir noyés...
Et elle monte, centimètre par centimètre, comme attirée par la surface qui reflète une autre lumière qu'elle n'avait jamais remarquée jusque là.
Une douleur terrible envahit toutes les fibres de son corps, elle se sent mourir, et pourtant, elle continue sa lente avancée.
Et voilà qu'elle atteint la surface. Son corps se raidit, se déchire dans un spasme d'agonie. Et de ce cadavre déchiré, une gracile libellule sort, se sèche et prend son envol vers le soleil et le ciel bleu.
Ah ! N'ayez de cesse, trouvez ce support pour l'ascension, et le roseau enfin trouvé, ne craignez pas la mort et montez, montez quoi qu'il en coûte...
|
|